Monday, March 06, 2017

 

The Epoch When Men Hated the Most

Emil Cioran (1911-1995), Le mauvais démiurge (tr. ‎Richard Howard):
A man interested in the procession of ideas and of irreducible beliefs will find it worth his while to pause over the spectacle afforded by the first centuries of our era: here he will discover the very model of all the forms of conflict to be met with, in attenuated form, at any moment of history. Quite understandably: this is the epoch when men hated the most. For which the credit goes to the Christians, feverish, intractable, from the start expert in the art of detestation; whereas the pagans could no longer manage anything but scorn. Aggression is a trait common to men and new gods.

If some monster of amenity, ignorant of spleen, nonetheless wanted to become versed in that subject, or at least to learn what it is worth, the simplest method would be for him to read some ecclesiastical authors, beginning with Tertullian, the most brilliant of all, and ending, say, with Saint Gregory of Nazianzus, rancorous yet insipid, whose oration against Julian the Apostate makes you feel like converting then and there to paganism. The emperor is conceded no virtues whatever; with unconcealed satisfaction, his heroic death in the Persian War is contested, for Gregory claims he was despatched by "a barbarian who was a buffoon by trade, following the armies in order to divert the soldiers from the hardships of war by his gibes and witticisms." No elegance, no concern to appear worthy of such an adversary. What is unforgivable in the saint's case is that he had known Julian at Athens, in the days when the two young men had frequented the philosophical schools there.

Nothing more odious than the tone of those who are defending a cause, one compromised in appearance, winning in fact; who cannot contain their delight at the idea of their triumph nor help turning their very terrors into so many threats. When Tertullian, sardonic and trembling, describes the Last Judgment, "the greatest of spectacles," as he calls it, he imagines the laugh he will have contemplating so many monarchs and gods "uttering dreadful groans in the depths of the abyss...." This insistence upon reminding the pagans that they were lost, they and their idols, was liable to exasperate even the most temperate. A series of libels camouflaged as treatises, Christian apologetics represents the acme of the bilious genre.



Qui s'intéresse au défilé d'idées et de croyances irréductibles, devrait bien s'arrêter au spectacle qu'offrent les premiers siècles de notre ère: il y trouverait le modèle même de toutes les formes de conflit que l'on rencontre, sous une forme atténuée, à n'importe quel moment de l'histoire. Cela se comprend: c'est l'époque où l'on a haï le plus. Le mérite en revient aux chrétiens, fébriles, intraitables, d'emblée experts dans l'art de la détestation, alors que les païens ne savaient plus manier que le mépris. L'agressivité est un trait commun aux hommes et aux dieux nouveaux.

Si un monstre d'aménité, ignorant la hargne, voulait cependant l'apprendre, ou savoir tout au moins ce qu'elle vaut, le plus simple pour lui serait de lire quelques auteurs ecclésiastiques, en commençant par Tertullien, le plus brillant de tous et en finissant, mettons, par saint Grégoire de Nazianze, fielleux et cependant insipide, et dont le discours contre Julien l'Apostat vous donne l'envie de vous convertir sur-le-champ au paganisme. Aucune qualité n'y est reconnue à l'empereur; avec une satisfaction non dissimulée on y conteste sa mort héroïque dans la guerre contre les Perses, où il aurait été tué par «un barbare qui faisait le métier de bouffon et qui suivait l'armée pour faire oublier aux soldats les fatigues de la guerre par ses saillies et ses bons mots». Nulle élégance, nul souci de paraître digne d'un tel adversaire. Ce qui est impardonnable dans le cas du saint, c'est qu'il avait connu Julien à Athènes, du temps que, jeunes, ils y fréquentaient les écoles philosophiques.

Rien de plus odieux que le ton de ceux qui défendent une cause, compromise en apparence, gagnante en fait, qui ne peuvent contenir leur joie à l'idée de leur triomphe ni s'empêcher de tourner leurs effrois mêmes en autant de menaces. Quand Tertullien, sardonique et tremblant, décrit le Jugement dernier, le plus grand des spectacles, comme il l'appelle, il imagine le rire qu'il aura en contemplant tant de monarques et de dieux «poussant d'affreux gémissements dans le plus profond de l'abîme....» Cette insistance à rappeler aux païens qu'ils étaient perdus, eux et leurs idoles, avait de quoi exaspérer même les esprits les plus modérés. Suite de libelles camouflés en traités, l'apologétique chrétienne représente le summum du genre bilieux.



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